Le sevrage, la privation. Comme les amputés qui souffrent d'un membre fantôme - qu'ils n'ont plus - , les personnes en sevrage (je parle là d'alcool, de nicotine, d'un homme, d'une femme, de je ne sais quoi d'autre) souffrent d'un bien fantôme. On leur a enlevé quelque chose, ou ils l'ont perdu, ont décidé peut-être de s'en passer, mais en eux, si la chose n'est plus, du moins demeure la place qu'occupait cette chose. Et cette place que plus rien n'emplit crée un vide d'air, un appel d'air, dégonfle, destabilise, déséquilibre, dans un mouvement destructeur contre lequel il faut maintenant lutter, au risque d'imploser.
D'où la difficulté : le vide qui reste, comme une forme en creux, mais une forme bel et bien là, un vide qui occupe un volume réel ou exerce sa force centripète, soumis qu'il est à la pression atmosphérique.
Dans notre atmosphère, le vide n'existe pas, la nature a horreur du vide. Dans notre for intérieur c'est pareil.
C'est pourquoi certains remplacent la cigarette par le chocolat. Ou une femme par une autre. Un vice pour un vice, tout mais pas ce vide.
Il faut dans la situation du sevrage, vivre avec ce vide, cette place vide.
J'ai mal à la main, dit le manchot.
J'ai mal à mon vide, dit l'amant quitté.
Ou bien il faudrait vivre sur la lune.