Ne crois-tu pas, toi qui penses, qu'on se trompe à croire que les choses nous font (tristes, gais, soucieux, râleurs...) - alors que c'est nous qui les faisons au prisme de ce que nous sommes à tel ou tel moment ?
Nous croyons être heureux à voir le ciel bleu et le soleil - alors que nous étions déjà heureux et voyons dans la météo une continuité de notre état. Nous pourrions tout aussi bien, ronchonnant, bougonnant, angoissé, détester cette insolence estivale.
Nous croyons être heureux parce que nous sentons l'intérêt marqué de telle personne, mais nous étions déjà heureux et lisons dans ces mots qu'elle prononce une confirmation de ce que nous savions déjà. C'est d'autant plus vrai grâce à l'étendue du désastre, du malentendu que causent les mots ou n'importe quelle situation de communication. Les mêmes paroles, reçues dans un autre état d'esprit, seraient rayées, soulignées les ambiguïtés, la ponctuation d'une phrase, tendant à faire croire que cette personne n'est pas aimante mais railleuse, hypocrite, polie.
Mais alors, si j'ai raison, qu'est-ce qui détermine cet état où je me trouve avant de recevoir le monde ? le pied avec lequel je me suis levé ce matin ? la position de la lune ? cette étiquette de tee-shirt qui me gratte ? ma contracture aux cervicales ?
J'imagine là quelque chose d'assez fort (que je ne suis sûrement pas la première à tenter de mettre en mots), quelque chose comme une émotion performative. J'avais acheté un mug, adolescente "Life is what you make it", cette phrase m'avait emballée. Psychlogie à l'américaine ? certes, sauf si on en retire la dimension "méthode coué" . La vie est ce que j'en fais, une merde aujourd'hui car je ne suis pas d'humeur, un bonheur dans quelques heures car Mercure aura changé sa position par rapport au Cancer...
Comme les psychopathes vivent dans un monde qu'ils fabriquent, nous, simples névrosés, croirions vivre dans un monde extérieur mais qui n'est que somme de multiples et minuscules émanations de notre for intérieur, projections et perceptions filtrées par notre bon - ou mauvais - vouloir (le mot est mal choisi, puisqu'on n'est pas dans l'intention justement, mais dans quelque chose qui nous fait, inconsciemment).