Sommes-nous tous schizophrènes ?
au sens profane du terme, je dis, à ce sens galvaudé qui me plaît.
qui ne peut que plaire, quand on est gémeaux. Qu'on a deux passeports, deux métiers, deux pays, deux langages, deux beaucoup-de-choses, quand on a des amis qui ont deux identités, quand on aime le théâtre, les perruques, les masques, passer des talons aiguille aux baskets, qu'on vit une vie à l'indicatif, une autre au conditonnel, quand on saute du passé au futur, de l'eau chaude à l'eau froide sous la douche, qu'on a du mal à finir un livre sans en commencer un autre, à conduire sans fumer-boire son café-et-téléphoner, quand on se retrouve souvent avec un double appel face à l'alternative de récupérer ou remplacer la conversation, et qu'en général on finit par raccrocher sans le vouloir, quand on commence une phrase qu'on en poursuit une autre, tout en pensant à une idée complètement différente, quand on angoisse en voyant arriver le serveur car on hésite toujours, dix minutes après son premier passage, entre l'entrecôte ou la pizza paysanne.
Jacques ou Dominique, Mexicain ou Sud-Ouest, se lever ou pas, rouge ou blanc...
La vraie question serait peut-être plutôt : cette duplicité, cet entre-deux, qui sont une deuxième peau, sont-ils une malédiction, un danger perpétuel ? Ou au contraire la possibilité d'un équilibre - d'une complémentarité - de, d'embrasser une sorte de totalité jouissive ? La possibilité du creux, cet espace qui appelle tous les autres, les admet.
Car un regard double n'est pas binaire. Ce n'est pas l'un ou l'autre mais tout ce qui pourrait être d'autre, l'un et l'autre, ni l'un ni l'autre, tous les autres, "ni pour ni contre bien au contraire".
Un regard double est forcément panoramique.
Et superposer deux figures, c'est les confronter. C'est se frotter à leur différence. A sa propre différence. A son propre frottement...
mais là, je me perds, je crois...
Cette chanson me fait sourire.
Laissez-moi dormir, conclut Emily Loizeau qui doit être gémeaux, elle aussi.