Ce court roman met en scène une femme, Edith, la narratrice, au milieu d’un Paris enneigé. Une journée d’hiver, elle décide de prendre un congé, et d’aller à la rencontre d’un inconnu, « L’Italien », dans un café.
Un bistrot où elle le croise tous les matins, avant d’aller au travail. Comme elle, il boit un café au comptoir, et elle l’entend échanger dans sa langue avec le serveur. Elle comprend qu’il vient de Ferrare, et cela la trouble.
Mais ce jour-là, il ne vient pas. Et la voici, après son rendez-vous raté, errant dans la ville. Au jardin des Plantes. Dans les rues. Les métros. Dans le froid et la solitude.
Et à défaut d’avoir pu évoquer Ferrare avec l’homme, elle superpose, à cette ville enneigée autour d’elle, des souvenirs. Les temps se croisent, des associations libres font resurgir plusieurs époques de sa vie par bribes, par images, par sensations.
Une rupture amoureuse l’a conduite à d’infinies déambulations dans la ville italienne. Où elle apprend la solitude et la liberté que celle-ci peut porter en elle. Plus jeune, avec son amoureux Antoine, militant d’extrême gauche, et un couple d’amis, elle se retrouve dans une vieille deux-chevaux qui rend l’âme au milieu de la campagne de l’Aubrac. Une auberge aux draps douillets leur sert de refuge jusqu’à la fin de la tempête de neige.
Puis la disparition d’Antoine, quelque temps plus tard. Ils sont alors étudiants à Paris. On n’en aura plus de nouvelles.
Un train de Milan à Ferrare.
Les itinéraires urbains s’entremêlent avec les écrits de Bassani, avec les films d’Antonioni.
Ferrare encore, et Ferrare toujours, sa bibliothèque, ses remparts, ses musées, le bus qui emmène, à travers la plaine brumeuse du delta du Pô, à la ville de Comacchio.
Quand des notes de piano surgissent d’un appartement, elle reconnaît la sonatine de Moderato Cantabile. La voici dans les mots de Marguerite Duras, portés par la voix de Jeanne Moreau.
Ces quelques lignes au détour d’un chapitre proposent un joli résumé du roman : « Je réinvente ma vie dans le désordre en mélangeant les temps, les lieux, les êtres chers, mais c’est tout de même ma vraie vie. Peut-être que cette journée est un cadeau plutôt qu’un rendez-vous manqué. »
Ainsi la nostalgie, les douleurs anciennes, se transforment en une mélancolie douce et presque joyeuse. En le goût d’une liberté à nouveau retrouvée.
Un lac immense et blanc, Michèle Lesbre. En Folio depuis le 31 janvier 2013. Parution initiale : Sabine Wespieser, avril 2011. 96 pages.